Certaines personnalités publiques marquent la mémoire collective en raison de leurs actions, et il arrive parfois que leur souvenir soit accentué par le contexte historique ou les événements entourant leur mort.

C’est le cas de Maria Eva Duarte de Perón, surnommée Evita, actrice et femme politique argentine. Née en 1919, elle épousa en 1945 le colonel Juan Domingo Perón, qui fut élu président l’année suivante, faisant d’Evita la première dame d’Argentine. Elle est décédée prématurément en juillet 1952 des suites d’un cancer fulgurant du col de l’utérus, à seulement 33 ans.

Au cours de sa brève existence, elle a mené plusieurs combats, dont la lutte en faveur du droit de vote pour les femmes (adopté en 1947) et de l’égalité juridique des conjoints. Elle a fondé le Parti péroniste féminin et s’est impliquée activement auprès des démunis, notamment par l’intermédiaire de la Fondation Eva Perón.

Parce qu’elle était aimée et admirée de tous, le décès de la «Madone des descamisados» (la madone des sans-chemises) a suscité beaucoup d’émotions au sein de la population. On lui a donc rendu un hommage sans précédent au cours de funérailles grandioses, allant même jusqu’à décréter un mois de deuil national en son honneur.

 

Profanation du cadavre d’Evita

À la demande de son mari, la dépouille d’Evita fut rapidement embaumée afin que son image de beauté demeure inaltérée dans l’esprit des gens lors de la veillée funèbre. Son corps fut ensuite exposé au siège de la CGT, une centrale syndicale.

En septembre 1955, dans le cadre de la Révolution libératrice initiée par la dictature militaire, le gouvernement de Perón fut renversé par un coup d’État. Dans la foulée, les forces dirigeantes en place souhaitaient éliminer toute trace d’Evita et un commando fut mandaté en décembre pour enlever son corps, qui errera d’un lieu à l’autre avant d’être enterré sous un faux nom en Italie, dans un lieu tenu secret. Ils désiraient ainsi éviter qu’elle devienne un symbole mythique pour la résistance péroniste. Sa dépouille restera ainsi cachée pendant plus d’une vingtaine d’années, entraînant les rumeurs les plus insolites quant à son emplacement.

 

Restitution de la dépouille

Après sa chute, Juan Perón s’exila d’abord au Paraguay, puis dans divers pays d’Amérique du Sud, avant de s’installer en Espagne. La dépouille de sa femme lui sera restituée en 1971, alors qu’on la déposa devant sa résidence de Madrid, qu’il partageait avec sa troisième épouse, Isabel.

Juan Perón revint ensuite en Argentine en 1973 avec Isabel, année où il fut réélu président, et sa femme accéda au poste de vice-présidente. Lorsque Juan Perón mourut soudainement en 1974, Isabel lui succéda à la présidence et veilla au rapatriement du corps d’Evita à Buenos Aires.

Domingo Tellechea, un spécialiste en restauration d’œuvres d’art, d’antiquités et de restes humains, fut alors mandaté pour remettre la dépouille dans un état présentable au public – une tâche qu’il effectua dans une crypte de la résidence présidentielle, en périphérie de la capitale. Malgré certains dommages, la dépouille était tout de même bien conservée, grâce à l’embaumement.

Lorsqu’il eut terminé son travail, le corps d’Evita fut à nouveau exposé au public, aux côtés de celui de son mari. À la suite d’un autre coup d’État, Domingo Tellechea dut s’exiler par peur de représailles de la part de la dictature, de nouveau au pouvoir.

En octobre 1976, le corps d’Eva Perón fut enfin mis en terre pour trouver le repos éternel au cimetière de Recoleta, auprès de la famille Duarte, dans une crypte fortifiée enfouie à cinq mètres de profondeur.

Figure mythique pour les Argentins, Evita Perón a été immortalisée au cinéma, au théâtre, dans la toponymie et de nombreuses œuvres. Sa tombe demeure la plus visitée du cimetière de Recoleta.

 

Sources :

https://www.lemonde.fr/archives/article/1971/09/06/la-depouille-mortelle-d-evita-est-rendue-au-general-peron-la-madone-des-descamisados_3061895_1819218.html
https://www.bbc.com/news/magazine-18616380
https://fr.wikipedia.org/wiki/Eva_Per%C3%B3n
https://fr.wikipedia.org/wiki/Juan_Per%C3%B3n
https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve/988
https://www.routard.com/forums/t/eva-peron-et-les-ames-de-recoleta/199990